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31/05/2013

Carjo Mouanda 1a

Bloc-Notes, 31 mai / Les Saules

littérature; poésie; livres

Sans Abbassia Naïmi - à qui, outre ses propres oeuvres, nous devons déjà deux belles anthologies de poètes d'aujourd'hui:  Le chant des larmes en 2010 et Les cygnes de l'aube en 2011 - Carjo Mouanda demeurerait pour nous un parfait inconnu, et ce serait bien dommage. Né en 1980 à Pointe-Noire, capitale économique du Congo où il fit ses études secondaires, il a, parallèlement à ses activités, poursuivi ses études universitaires au Sénégal, où il réside aujourd'hui.

Après avoir publié en 2007 un premier recueil de poèmes, Couleur douloureuse, voici qu'il nous en offre un nouveau intitulé Cri de douleurs. Un ensemble de textes militants, qui, au-delà d'un constat d'échec sur les rêves et les mensonges des politiques en Afrique - entre autres - exhorte son pays, le Congo tout particulièrement, à se réveiller, à refuser la médiocrité et prendre un nouveau départ. Indigné par le retard pris par sa terre natale, il décoche des flèches acérées contre ce peuple refroidi, passif, oublieux de sa culture et de ses racines dans le sang: La nuit raconte que les veilleurs de paix sont devenus des voleurs de paix...

Pourtant, sa voix ne se borne pas à dénoncer, à fustiger ou s'abandonner au désespoir. Tournée vers les sans-nom qui peuplent le Congo, elle sait demeurer humaine, patiente malgré l'épuisement des attentes déçues, malgré la corruption organisée, et exalte contre vents et marées sa marche vers la vie. Coeur de poète en exil, Carjo Mouanda ne cède pas à la facilité littéraire qui souvent, à force de mots outranciers ou surabondants, annihilent paradoxalement l'impact des écrits poétiques. Rien de tel chez lui: une écriture sobre, concrète, naturelle pour dire, entre ces pages versatiles de l'histoire, la solitude du poète, la liberté baîllonnée, le refus dêtre confondu aux fantômes ou aux traîtres:

Le moment venu
Je vous dirai merci!
(...)
J'aurai la force de mes mains
La paix dans mon coeur
La terre, surtout la patrie
Est pour nous tous.

 Et plus loin:

O ma force
O mon amour
Rebâtissez ma case
Reconstruisez mon village
Je suis moi
Je suis L'Afrique

Puisse son cri de douleur et de combat être entendu... 

Carjo Mouanda, Cri de douleurs (Lire et Méditer, 2013)

préface de Abbassia Naïmi

Carjo Mouanda, Couleur douloureuse (Le Manuscrit, 2007)

pour mieux connaître Carjo Mouanda: http://carjo-mouanda.skyrock.com

pour commander son dernier livre:  http://http://www.lireetmediter.fr

16:43 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/04/2013

Petite bibliothèque de poésie 1a

Bloc-Notes, 7 avril / Les Saules

A45307.jpg

pour Marie-Louise A

Les anthologies poétiques abondent dans la production littéraire. Aux incontournables, disponibles en librairie - Georges Pompidou, André Gide, Philippe Jaccottet, ou Pierre Seghers - se sont ajoutées de plus récentes, parfois avec bonheur - Jean Orizet, par exemple - ou bien, tout au contraire, avec une fâcheuse tendance à présenter des auteurs inconnus - à juste titre? - ou des célèbres dont le présentateur a choisi volontairement des textes rarement cités, souvent mineurs et peu représentatifs de leurs auteurs - Zéno Bianu, dans une récente anthologie - afin de se démarquer de ses prédécesseurs, à tout prix. 

Toute autre est l'approche de André Velter, qui choisit de nous proposer douze poètes classiques - François Villon, Charles d'Orléans, Maurice Scève, Pierre de Ronsard, Théophile de Viau, Jean de La Fontaine, Marceline Desbordes-Valmore, Victor Hugo, Gérard de Nerval, Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud et Paul Verlaine - en consacrant à chacun d'entre eux, un petit livre d'une quarantaine de pages dont les poèmes sont précédés d'une biographie succincte, introduisant l'auteur. L'essentiel, pour planter le décor, à l'attention du lecteur.

Chaque volume de surcroît - très soigné dans sa mise en page - porte le titre d'une phrase représentant bien l'écrivain choisi: Paul Verlaine, Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant; François Villon, Frères humains qui après nous vivez; Victor Hugo, Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant, parmi d'autres. 

La Petite bibliothèque de poésie - nous dit André Velter - est un parcours, du XVe au XIXe siècle, en compagnie de ceux qui ont inventé, transformé, célébré, bousculé la langue et le chant poétiques. Choix bien sûr non exhaustif, mais à coup sûr dynamique, éclairant, qui s'en tient à une suite d'auteurs essentiels, en consacrant à chacun un livret particulier afin de mieux respecter son génie propre. C'est une polyphonie de voix singulières qui se fait entendre; c'est l'expression d'une langue commune qui, pourtant, conjugue des tonalités différentes, des accents inédits, des pensées souvent contraires.

Au prix de vente modeste - moins de 29 euros - cette belle anthologie mérite de figurer en bonne place dans la bibliothèque des amis de la poésie!

Petite bibliothèque de poésie, coffret hors série de 12 volumes - Choix de André Velter (coll. Poésie/Gallimard et Télérama, 2013)

Jean Orizet, Anthologie de la poésie française (Larousse, 2010)

Zéno Bianu, Poèmes à dire - Une anthologie de poésie contemporaine francophone (coll. Poésie/Gallimard, 2013)

15:39 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Charles Baudelaire, Littérature francophone, Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/06/2012

Morceaux choisis - Paul Fort

Paul Fort

Femme pressée FB.jpg

Le silence orageux ronronne.
Il ne passera donc personne?
Les pavés comptent les géraniums.
Les géraniums comptent les pavés.
Rêve, jeune fille, à ta croisée.
 
Les petits pois sont écossés.
Ils bombent ton blanc tablier
que tes doigts roses vont lier.
 
Jeune fille,
ou c'est donc ma vue?
Tes petits pois tombent dans la rue.
Sombre je passe.
Derrière moi les pavés
comptent les petits pois.
Le silence orageux ronronne.
Il ne passera donc personne?
 

Paul Fort, Ballades du beau hasard - Poèmes inédits et autres poèmes (coll. GF/Flammarion, 2009)

image: Place Champollion, Figeac (http://www.fond-ecran-image.com)

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

16/06/2012

Morceaux choisis - René Char

René Char

littérature; poésie; livres

Hermétiques ouvriers,
en guerre avec mon silence,
même le givre vous offense
à la vitre associée!
Même une bouche que j'embrasse
sur sa muette fierté.
 
Partout j'entends implorer grâce
puis rugir et déferler;
fugitifs devant la torche,
agonie demain buisson.
 
Dans la ville où elle existe,
la foule s'enfièvre déjà.
La lumière qui lui ment
est un tambour dans l'espace.
 
Aux épines du torrent
Ma laine maintient ma souffrance.

René Char, Doléances du feutre (Les Cahiers de la Pléiade/Gallimard, 1949)

08:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Philippe Jaccottet

9782070120345.gifPhilppe Jaccottet, Ce peu de bruits (Gallimard, 2008)

 

Toujours aussi discret, exigeant dans son style et ses émotions, notre plus grand poète suisse vivant poursuit ses réflexions sur le monde, la nature ou le sens de sa propre vie. Le ton est si juste qu’on se croit à ses côtés quand il parle de Verlaine ou de Schubert, de sa sœur Christiane ou de Kafka. Cet ami du silence sait mieux que quiconque parler de la lumière, de l’élan du rossignol, des couleurs du ciel, des églantines. Croyez-moi : Il faut rencontrer ou découvrir Philippe Jaccottet de toute urgence, parmi tant de bruit … Vous ne le regretterez pas.

06:49 Écrit par Claude Amstutz dans Franz Kafka, Littérature francophone, Littérature suisse, Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

10/06/2012

Actualité de la poésie 1/2

Bloc-Notes, 10 juin / Les Saules

littérature; poésie; livres

Après les cinq premiers livres tirés de la besace offerte par mes libraire préférés, en voici cinq autres qui ne manqueront pas d'intéresser tous les passionnés de poésie.

Honneur à la littérature suisse, pour commencer, avec Figures de la patience sous la plume de ce grand poète et prosateur qu'est François Debluë. Des méditations, réflexions, pensées ou poèmes courts traversent ces pages autour de l'attente, de la soif, de la nature et des êtres gonflant les voiles... de nos impatiences. Vrai que la beauté peut être mortelle: celle d'un paysage, celle d'un corps, celle d'un chef-d'oeuvre. Mais ce n'est pas tant la beauté même qui nous atteint si dangereusement, que l'imposibilité où nous sommes de la rejoindre, de l'épouser. L'impossibilité que nous éprouvons des joies éternelles de noces sans fin...

Un seul geste de Laurence Verrey - née à Lausanne - emprunte un style à la fois sensuel, sobre, fiévreux pour dire l'ivresse et la fusion possible avec la nature, avec l'autre: une quête douloureuse, fulgurante comme le désir, éphémère et changeante comme le vent dans les arbres. A toi la fenêtre, les mains blanches de la lune, à vous les sables, le toucher subtil du graveur, l'écriture du Christ sur le sol: ce jour-là, aucune pierre ne fut ramassée pour lapider une femme. A toi la terre effleurée, ces signes tracés dans le silence. Rime légère, c'était le doigt d'un roi.

Avec L'invention des désirades et autres poèmes, nous quittons l'Helvétie. Daniel Maximim  - poète, romancier et essayiste guadeloupéen - le texte ressemble à une danse où se mêlent soleil, musique, corps à coeur et bonheur présent, malgré les heures fragiles, le doute, la solitude. Les chants les plus beaux - donc - ne sont pas forcément les plus désespérés: Fidèle pour ma part j'écoute ton silence: une embellie de confidence en lisant dans tes lucioles tout ce qu'il y a de ferveur dans une désirade, ce qu'il y a de justice dans une mémoire bonne, ce qu'il y a de fertile dans nos frissons, de fontaines dans ta forêt, de sentiers dans nos destinées.

Autre petit bijou que ce recueil de Julie Delaloye, Dans un ciel de février. Une beauté intérieure où les mots empruntent la trajectoire des heures et saisons, telle une respiration naturelle qui saurait fixer sur le papier ce que - sans talent créateur - nous devons nous contenter de ressentir: Elle entre à peine, s'adosse à la fraîcheur, souveraine, sortie de l'obscur des sapins. Comme elle la respire, cette lumière, cachée dans l'embrasure de ses songes apaisés. Fragile instant, avant le jour, dont on recueille l'élan, le souffle si simple, entre les formes du vent et de sa voix claire.

Pour terminer ce tour d'horizon, voici L'heure injuste - Anthologie poétique. Présenté par Valère Staraselski, ce volume se décline en thèmes - L'heure injuste, Pays d'écueil, Avenirs solitaires, Avenirs des espérés - et regroupe une vingtaine d'auteurs qui, Thierry Renard excepté, sont peu connus et dont la voix, à l'image de Marc Rousselet, ravit le lecteur de poésie: Vous osez, gens de maraude à rêves d'épiciers, bluter les scories d'un passé casqué. Rendez-vous est pris. A ce jour, nous n'avons à vous opposer que l'arc de notre âme romane et la flèche bleue de nos cyprès. Mais entre Montmirail et Vetoux germe notre cri de ralliement. Le bruit de vos actes avoue vos ténèbres, il vous désigne du carnage et du charnier. Des dèmain nous apprendrons des renardeaux l'art de vous traiter.  

Une bien belle gerbe de poèmes que vous réservent les auteurs présentés hier et aujourd'hui, pas toujours faciles à trouver en présentation, chez nos amis libraires...   

François Debluë, Figures de la patience (Empreintes, 1998)

Laurence Verrey, Un seul geste (Empreintes, 2010)

Daniel Maximin, L'invention des désirades et autres poèmes (coll. Points/Seuil, 2009)

Julie Delaloye, Dans un ciel de février (Cheyne, 2008)

Valère Staraselski, L'heure injuste - Anthologie poétique (La Passe du Vent, 2005)

image: Thierry Renard


20:18 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/06/2012

Actualité de la poésie 1/1

Bloc-Notes, 9 juin / Les Saules

littérature; poésie; livres

La poésie continue de nous réserver de bien belles surprises au fil des parutions récentes. Parmi celles-ci, peuvent être citées deux anthologies intéressantes, parues dans la collection Points, aux éditions du Seuil. La première, conçue par Abdelmadjid Kaouah, nous présente Quand la nuit se brise - Anthologie / Poésie algérienne. Une opportunité de découvrir une cinquantaine d'auteurs, dont la plupart - à l'exception de Rachid Boudjera, Mohammed Dib, Tahar Djaout, Assia Djebar, Nabile Farès ou Jean Sénac - sont inconnus du grand public, tels Mohammed Haddadi: Il a neigé gris sur nos coeurs. Toutes nos peines ont germé, au mépris des saisons. Le jour s'est revêtu de sa très fade ardeur. Le ciel est noir... 

La seconde anthologie - en édition bilingue - aux bons soins de Jean Amrouche, s'intitule Chants berbères de Kabylie - Poésie kabyle. Regroupés par thèmes - l'exil, l'amour, la satire, le travail, la danse, la méditation - ces chants témoignent, ainsi que le mentionne l'auteur dans sa présentation, de l'appartenance à un peuple: ses épreuves, ses misères, son humiliation, sa gloire secrète, ses espoirs, sa volonté de survivre: Comment exhumer la joie souterraine sans la déraciner du jour, comment fleurir le combat sans tarir les larmes? Qu'aimer soit notre seule gloire à tout jamais éternelle, qu'aimer soit notre seule prière au plus divin de l'humain

Autres publications valant mieux qu'un détour, deux recueils parus aux éditions Lire et Méditer. Sous la plume de An Ishtar et Abbassia Naïmi, voici De l'amertume fleurissent les jasmins, célèbrant la blessure, la révolte, l'indignation, mais aussi l'amour, la musique intérieure, le langage: cette graine d'espoir capable de traverser même les murs. A quoi bon parler quand ils ne peuvent écouter, à quoi bon crier pour ceux qui ne peuvent entendre, pourtant se taire et laisser faire je ne peux le comprendre...

Signé Marie Hurtrel, Un tilleul au Cameroun chante la magie que lui inspire ce pays, ses points de convergences et de contradictions, avec des mots égrenés sur le ton de la confidence et souvent de l'anecdote, où la petite histoire - personnelle - rejoint par des chemins imprévus la grande: Je voudrais briser les frontières de la vie et la terre, voler aux palombes leurs ailes, prendre le premier nuage qui passe, je voudrais suivre le vent...

Enfin, dans la collection Poésie chez Gallimard, est édité Eros émerveillé - Anthologie de la poésie érotique française, sous la direction de Zéno Bianu. L'intérêt de cet ouvrage est de nous présenter un vaste panorama de l'érotisme en poésie - près de 600 pages - du Moyen-Age à nos jours, avec parfois des textes rares d'auteurs connus - Robert Desnos ou Edmond Jabès, par exemple - mais l'ensemble de ce choix assez inégal pèche par manque de rigueur, bon nombre de textes en prose se mêlant à la poésie. De plus, certains écrivains modernes - chez les surréalistes surtout - ne méritent pas vraiment d'être exhumés, leur qualité littéraire étant avec le recul du temps, plutôt affligeante, à mon sens. Mais à vous de juger!

Demain, suite de ce voyage en poésie, avec quelques autres perles rares: pas liées au calendrier des parutions, cette fois-ci... 

Abdelmadjid Kaouah, Quand la nuit se brise - Anthologie / Poésie algérienne (coll. Points/Seuil, 2012)

Jean Amrouche, Chants berbères de Kabylie - Poésie kabyle (coll. Points/Seuil, 2012)

An Ishtar et Abbassia Naïmi, De l'amertume fleurissent les jasmins (Lire et Méditer, 2011)

Marie Hurtrel, Un tilleul au Cameroun (Lire et Méditer, 2012)

Zéno Bianu, Eros émerveillé - Anthologie de la poésie érotique française (coll. Poésie/Gallimard, 2012)

image: Quint Buchholz, Art on Books - http://www.libriantichionline.com/


23:53 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/06/2012

Morceaux choisis - Malek Haddad

Malek Haddad

littérature; poésie; livres

Je me souviens des routes bleues
La mer était gentille
La montagne gardait un sourire bourru
Ta main tremblait comme une angoisse
Il faisait chaud sur les baisers
Les raisins rosissaient
Une cascade en chevelure avait mouillé mes yeux

Il reste sur la route un air de mandoline
Et quand le soir dort dans mes yeux
Je ne rêve jamais
Tellement
La cascade a le goût des aurores
 

Malek Haddad, Le malheur en danger (Editions Bouchene/Alger, 1988) 

image: Marcel Dreyfus, Marcel Dyf, 1899-1985 / Jeune femme a la mandoline (artvalue.com)

09:46 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/05/2012

Morceaux choisis - Erri de Luca 1a

Erri de Luca

Sandro-Botticelli-Venus-et-les-Trois-Graces--D-tail--5222.jpg

"Io te vurria vasa", soupire la chanson
mais avant et plus que ça moi je voudrais te suffire,
"io te vurria abbasta",
comme la gorge au chant comme le couteau au pain
comme la foi au saint moi je voudrais te suffire.
Et qu'aucune autre étreinte tu ne puisses chercher
ni dans une autre odeur t'endormir,
moi je voudrais te suffire.
"io te vurria abbasta".
 
"Io te vurria vasa". insiste la chanson
mais un peu moins que ça moi je voudrais te manquer
"io te vurria manca",
plus que le souffle en montée
plus que le soleil en prioson
que la bande sur la plaie
plus qu'une fleur sur un balcon.

Et qu'aucune autre étreinte tu ne puisses chercher
ni dans aucune autre odeur t'endormir,
moi je voudrais te manquer
"io te vurria manca".

Erri de Luca, Aller simple - édition bilingue (Gallimard, 2012)

traduit de l'italien par Danièle Valin 

image: Sandro Botticelli, Vénus et les trois grâces (détail)

23/05/2012

Morceaux choisis - René Guy Cadou

René-Guy Cadou

littérature; poésie; livres

Tu es dans un jardin et tu es sur mes lèvres 
Je ne sais quel ‘oiseau t'imitera jamais 
Ce soir je te confie mes mains pour que tu dises 
À Dieu de s'en servir pour des besognes bleues
 
Car tu es écoutée de l'ange tes paroles 
Ruissellent dans le vent comme un bouquet de blé 
Et les enfants du ciel revenus de l'école 
T'appréhendent avec des mines extasiées
 
Penche-toi à l'oreille un peu basse du trèfle 
Avertis les chevaux que la terre est sauvée 
Dis-leur que tout est bon des ciguës et des ronces 
Qu'il a suffi de ton amour pour tout changer
 
Je te vois mon Hélène au milieu des campagnes 
Innocentant les crimes roses des vergers 
Ouvrant les hauts battants du monde afin que l'homme 
Atteignent les comptoirs lumineux du soleil
 
Quand tu es loin de moi tu es toujours présente 
Tu demeures dans l'air comme une odeur de pain 
Je t'attendrai cent ans mais déjà tu es mienne 
Par toutes ces prairies que tu portes en toi

René Guy Cadou, Poésie - La vie entière (Seghers, 2001)

image: Leonor Fini, Le visage endormi, 1974 (weinstein.com)

08:29 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |